Recevoir une convocation de police pour audition sans préciser le motif génère immédiatement un stress légitime. Cette lettre officielle, souvent marquée par la mention vague « pour une affaire vous concernant », ne signifie pas pour autant que vous êtes coupable. Le plus souvent, elle invite à une audition libre, une procédure légale encadrée par le Code de procédure pénale. Avant de franchir le seuil du commissariat ou de la gendarmerie, il est impératif de connaître vos droits pour éviter les pièges d’une défense mal préparée.

Pourquoi recevez-vous une convocation sans motif (« Affaire vous concernant ») ?

Les Officiers de Police Judiciaire (OPJ) utilisent fréquemment la mention générique « affaire vous concernant » sur les convocations. Cette pratique est parfaitement légale et vise à préserver le secret de l’enquête. Que ce soit dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une enquête de flagrance, les enquêteurs évitent ainsi que la personne convoquée ne prépare des réponses trop construites, ne contacte des complices potentiels ou ne détruise des preuves avant l’entretien.

Vous pouvez recevoir ce document par courrier simple, par lettre recommandée, ou même être contacté par téléphone. Gardez votre calme : ce flou volontaire ne présume en rien de la gravité des faits ni de votre culpabilité.

Le statut : Êtes-vous convoqué comme témoin ou suspect ?

Le document précise rarement votre statut juridique exact. Une fois sur place, deux situations principales se présentent :

  • Le statut de témoin : Vous êtes entendu pour apporter des éclaircissements sur des faits que vous avez vus ou entendus, sans être personnellement mis en cause.
  • Le statut de suspect (Audition libre) : S’il existe des raisons plausibles de soupçonner que vous avez commis ou tenté de commettre une infraction, vous serez entendu sous le régime du suspect libre.
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Attention : Un simple témoin peut voir son statut basculer vers celui de suspect au fil de l’interrogatoire, selon la teneur de ses déclarations.

Qu’est-ce que l’audition libre ? (Définition et cadre légal)

Définie par l’article 61-1 du Code de procédure pénale, l’audition libre est une procédure qui permet d’interroger une personne suspectée sans la placer en garde à vue. C’est une mesure moins coercitive qui repose sur le principe du volontariat : vous n’êtes pas menotté et ne finissez pas en cellule, à condition de répondre favorablement à la convocation.

Différences entre audition libre et garde à vue

Il est crucial de ne pas confondre ces deux régimes. Voici les distinctions majeures pour comprendre votre situation :

CaractéristiqueAudition LibreGarde à Vue
Liberté de mouvementDroit de quitter les locaux à tout momentPrivation de liberté (enfermement en cellule)
DuréePas de durée légale fixe (souvent quelques heures)Limitée (24h renouvelables)
ContrainteParticipation volontaireMesure de contrainte par la force
Assistance AvocatPossible (sous conditions d’infraction)Droit fondamental dès le début de la mesure

Les 5 droits fondamentaux à connaître avant d’y aller

Même « libre », l’audition reste une procédure pénale sérieuse dont les conséquences peuvent être lourdes. La loi du 27 mai 2014 vous garantit des droits stricts que l’OPJ doit obligatoirement vous notifier dès le début de l’entretien :

  1. Droit d’être informé de la qualification : La nature de l’infraction reprochée, ainsi que la date et le lieu présumés des faits, doivent vous être communiqués immédiatement.
  2. Droit de quitter les lieux : Contrairement à la garde à vue, vous pouvez théoriquement mettre fin à l’audition et partir à tout moment si vous le souhaitez.
  3. Droit au silence : C’est une stratégie de défense cruciale. Vous avez le droit de vous taire, de ne répondre qu’à certaines questions de votre choix ou de faire des déclarations spontanées.
  4. Droit à l’assistance d’un avocat : Si l’infraction visée est un délit puni d’une peine d’emprisonnement, vous pouvez être assisté par un avocat (choisi par vos soins ou commis d’office par le Bâtonnier) tout au long de l’audition.
  5. Droit à l’assistance d’un interprète et accès à des conseils juridiques gratuits dans une structure d’accès au droit.
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Que faire à réception de la convocation ? (Plan d’action)

Dès que vous recevez le document, adoptez une démarche méthodique pour protéger vos intérêts :

  • Vérifiez la convocation : Analysez l’identité, la date, l’heure et l’adresse précise (Commissariat de police ou Brigade de gendarmerie).
  • Contactez le service enquêteur : Appelez le numéro indiqué sur la lettre. Tentez poliment d’obtenir votre statut ou le motif, même si l’agent peut refuser de répondre par téléphone. Si la date est impossible pour vous (motif professionnel ou médical), demandez un report immédiatement.
  • Ne l’ignorez jamais : Faire l’autruche est la pire stratégie. Ne pas se présenter vous expose à des risques inutiles de coercition.

L’importance de consulter un avocat pénaliste

Se rendre à une audition « les mains dans les poches » est dangereux. Consulter un avocat pénaliste en amont permet d’analyser la situation, de préparer vos réponses et de définir une stratégie claire (parler, nier ou garder le silence). L’avocat est un rempart contre l’auto-incrimination involontaire sous le stress des questions des enquêteurs.

Déroulement de l’audition : Pièges et Procès-Verbal

L’officier posera des questions, parfois répétitives, pour tester la cohérence de votre récit. Restez factuel et calme. Par ailleurs, selon l’article 55-1 du Code de procédure pénale, sachez que vous pouvez être contraint de donner vos empreintes digitales et être pris en photo pour le fichier TAJ (Traitement des antécédents judiciaires), même en audition libre.

Attention à la relecture du Procès-Verbal (PV)

C’est l’étape décisive de l’audition. Tout ce que vous dites est retranscrit sur un procès-verbal. Ne signez jamais aveuglément ce document.

  • Relisez attentivement chaque ligne.
  • Si vos propos sont déformés, résumés de manière inexacte ou s’il manque des nuances importantes : exigez une correction.
  • Si l’enquêteur refuse de modifier le texte, vous avez le droit absolu de refuser de signer. Votre signature vaut validation juridique de la version policière des faits.
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FAQ : Questions fréquentes sur la convocation au commissariat

Peut-on refuser de se rendre à une convocation de police ?

Non. L’article 62 du Code de procédure pénale permet à la force publique de vous y contraindre. Vous avez l’obligation de comparaître, même si vous prévoyez de garder le silence une fois sur place.

Que risque-t-on si on ne se présente pas ?

Si vous ne répondez pas à la convocation sans motif légitime (comme une hospitalisation), le Procureur de la République peut délivrer un mandat d’amener. Les forces de l’ordre peuvent alors venir vous chercher à votre domicile ou sur votre lieu de travail, et les enquêteurs pourraient décider de vous placer directement en garde à vue.

Combien de temps dure une audition libre ?

Il n’y a pas de délai légal strict comme en garde à vue (24h), mais l’audition dure généralement entre 1h et 4h selon la complexité de l’affaire. Rappelez-vous toutefois que vous disposez du droit de quitter les lieux à tout moment si l’attente ou l’interrogatoire se prolonge excessivement.